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Hyperglobalisation et populisme

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L’économiste Dani Rodrik, de l’université américaine de Harvard, vient de publier un papier intitulé Populisme et économie de la mondialisation dans lequel il met en perspective le succès politique des courants populistes, aux Etats-Unis, en Turquie, en Europe ou en Amérique latine.

Le populisme est une idéologie qui cherche à rassembler l’ensemble du « peuple » contre les « élites » et qui s’incarne dans des partis ou des mouvements dirigés par un leader charismatique qui revendique le monopole de la représentation des « gens d’en bas » contre « ceux d’en haut ». Les populistes se divisent en deux familles: les populistes démocratiques (le « peuple » est une « construction sociale de tous les jours ») et les populistes réactionnaires ((le peuple est une éthnie).

Habitués, particulièrement en France, au bon vieux clivage Droite/Gauche, la violence inédite (et pas seulement verbale) des populistes nous surprend et nous inquiète. La remise en cause démagogique de la démocratie représentative, la légitimation des atteintes aux libertés individuelles, la désignation de l’adversaire politique comme un ennemi, tout ceci rappelle forcément le climat des années 30.

Dani Rodrik envisage le populisme comme une réaction face aux excès de la globalisation et en particulier ses effets redistributifs particulièrement violents.

De façon très éclairante, il rappelle l’exemple des populistes américains de la fin du XIXième siècle, qui regroupèrent par delà les clivages géographiques et politiques un grand nombre de paysans propriétaires des Etats du Sud et de l’Ouest, ainsi que des ouvriers des Etats du Nord contre les « élites » industrielles et financières qui tiraient bénéfice de la modernisation économique et de l’Etalon-Or. Après le premier conflit mondial, le populisme connut ses heures de gloires en Europe, mais cette fois-ci, au sein  des classes moyennes appauvries et hostiles aux milieux financiers accusées. Les mouvements fascistes surent capter cette énergie politique et la retourner contre le prolétariat. En Allemagne, où les droits sociaux conquis par la classe ouvrière étaient très étendus, le parti nazi, pourtant largement soutenu par la grande industrie protectionniste et quelques résidus historiques de l’aristocratie,  réussit le tour de force de faire passer le prolétariat social-démocrate pour une classe privilégiée par rapport à la petite bourgeoisie et complice des classes dominantes. Comme chacun le sait, la social-démocratie allemande disposait d’une milice armée très capable de rivaliser avec les meutes nazies, mais la peur d’enfreindre la légalité donna un avantage aux chemises brunes. Comme quoi, il faut (parfois) savoir combattre les populistes sur leur propre terrain.

L’auteur  rappelle que le populisme a tendance à se déployer dans les phases hautes de mondialisation économique et financière, dont il exprime avec fracas les contradictions …avec une probabilité non nulle de victoire politique, comme on l’a vu dans l’entre-deux-guerres.

Le regard que l’économiste porte sur le phénomène populiste s’appuie sur les enseignements de la science économique. Je ne citerai qu’un seul développement théorique. Il concerne les effets ambivalents du libre-échange. D’un côté, l’ouverture commerciale génère des gains économiques. D’un autre côté, elle fait des perdants et de gagnants. On enseigne  cela depuis plus d’un siècle, mais ce qu’on a tendance à oublier c’est que l’essentiel des gains du libre-échange apparaissent dans les premières phases de la libéralisation  des échanges, c’est-à-dire lorsqu’on permet à l’économie de respirer le grand air du marché mondial. Or, à mesure que l’ouverture s’approfondit, les pertes que subissent les groupes sociaux exposés à la concurrence augmentent tandis que les gains en efficacité pour toute l’économie s’épuisent,  de sorte qu’arrive un moment (et nous y sommes, dit l’auteur), où la libéralisation fait plus de dégâts sociaux que de bien à la société.

Ceci explique la contestation de plus en plus massive des accords commerciaux (ALENA, TAFTA..), toutefois, Dani Rodrik note que le populisme anti-commercial est l’apanage des Etats-Unis ou l’Amérique latine, tandis que les populistes européens (surtout ceux de droite) se spécialisent  dans la propagande anti-immigration. D’après l’auteur, ce biais xénophobe est logique. En effet, nous disposons en Europe d’Etats providence suffisamment étendus et solides pour compenser les retombées négatives du libre-échange. Dès lors, les populistes seraient moins enclins à descendre dans la rue ou à voter contre un accord commercial (ce que font tout de même les « populistes de gauche »), et plus enclins à accuser les « minorités » et les immigrés de vivre aux crochets de l’Etat providence. Ici, l’auteur touche juste, car il suffit de décrypter les explications du vote en faveur du Front National ou de Debout la France (et d’une bonne par du vote Les Républicains) pour constater que beaucoup de ces électeurs redoutent que l’immigration ne les prive d’une partie des aides sociales ou se traduisent par une hausse de la fiscalité. Il s’agit là d’un thème récurrent du Front national, entonné sur tous les tons par la dynastie le Pen.

L’auteur oppose le « populisme de gauche », qui privilégie la question économique et sociale, (Sanders, Melenchon, Podemos…) et le « populisme de droite », qui met l’accent sur le culturel, la défense du « peuple enraciné ».

Est-il légitime de parler de « populisme de gauche »?. Je n’en suis pas certain, même si ce concept fait de plus en plus d’adeptes (voir par exemple les écrits de Chantal Mouffe, ou ceux de l’inénarrable Jacques Sapir).

Il me semble périlleux d’entretenir une confusion entre gauche (radicale ou non) et populisme.

Je formule l’hypothèse qu’il existe trois clivages politiques bien distincts:

  • Le clivage gauche/droite. Il s’agit d’un clivage modéré qui oppose deux styles de vies et deux interprétations de la République . La gauche et la droite structurent la vie politique lorsque les classes moyennes sont clivées et que leurs deux composantes cherchent à s’allier avec des groupes sociaux qui se situent au dessus ou au dessous d’elles.  Comme l’enseigne Pierre Bourdieu, la gauche c’est (c’était…) l’alliance politique de l’ouvrier,  de l’instituteur et du cadre supérieur du public (laïques et progressistes) contre l’alliance du petit paysan et ouvrier du tertiaires avec la bourgeoisie et les cadres supérieurs du privé. Pour paraphraser Marx, on dira que la superstructure idéologique est le reflet de la « composition organique du capital » de chaque groupe social: à gauche ceux qui sont relativement plus riches (ou moins pauvres) en capital culturel, à droite, ceux qui sont plus riches (ou moins pauvres) en capital économique.  La gauche et la droite proposent deux interprétations différentes de la République. Pour la gauche, la République c’est la justice, le progrès. Dans le camp d’en face, la République est un gage d’unité nationale et un principe d’ordre social.  La discorde gauche/droite étant une donnée quasi anthropologique de la société française, il n’y a aucune raison de penser qu’elle ne revienne pas à l’ordre du jour.  Toutefois, à certaines époques, un autre clivage surgit et semble subvertir l’ancien.

 

  • Le clivage Elites/populistes. La fracture peuple/élites est radicale puisque transversale. Par delà la gauche et la droite, les élites se regroupent contre le reste de la population (et réciproquement). Ce clivage apparaît lorsque les classes moyennes, destabilisées socialement,  se coalisent pour cherchent l’appui des milieux populaires contre les élites et les fractions du peuple qu’elles jugent complices des élites (étrangers, artistes…). La grille de lecture populiste est très peu élaborée, tristement quantitative, mais elle est efficace. Pour simplifier, les populistes se réclament des « petits » (salariat peu ou pas qualifiés, petits paysans, petite et moyenne bourgeoisie) contre  les « gros » (salariés très qualifiés, haute bourgeoisie financière et industrielle) dont ils vilipendent les privilèges et diabolisent le comportement. Ce ressentiment de classe s’envenime en racisme  lorsque les populistes se présentent comme les représentants du « peuple enraciné » et « normal », par opposition aux « apatrides », aux « riches » et à leur « indécence commune ». Frustrés dans leurs ambitions, les populistes  ont tendance à opprimer à leur tour les groupes sociaux vis-à-vis desquels ils réactivent des mécanismes de domination archaïques. C’est ainsi que le verbiage populiste s’agrémente toujours d’une posture viriliste (c’est le côté le plus grotesque du populisme) ou anti-étrangère.  Même s’il est très légitime de s’inquiéter du populisme, il faut admettre qu’il ne tombe pas du ciel et qu’il ne résulte pas d’une folie collective. Le plus souvent, il apparaît lorsque la mobilité sociale régresse, lorsque les classes moyennes se délitent et ne parviennent plus à nouer des compromis avec les classes dominantes.  Mais le populisme est toujours un échec. A la fois révolutionnaire et conservateur, il résout ses contradictions grâce au césarisme (de Napoléon à Chavez),  au complotisme,  à la xénophobie, ou bien il s’achève dans la farce (Boulangisme, débat télévisé de Marine Le Pen face à Emmanuel Macron). Parfois, le populisme se nie lui même et hisse  au pouvoir (comble de l’aliénation) un démagogue ploutocrate (Trump, Berlusconi), dont il espère qu’il laissera quelques miettes au « peuple » ce qui, bien sur, n’arrive pas. Le populisme est donc transitoire. Il est souvent le prélude à des affrontements de classe moins confus et à la réactivation du clivage gauche/droite. A l’heure actuelle, la « recomposition politique » française est loin d’être achevée et il serait très hasardeux de célébrer la victoire définitive du « bloc bourgeois » macroniste (Stéfano Palombarini, Bruno Amable).  Emmanuel Macron bénéficie de moins en moins des illusions de modernisme et d’équité qu’il a répandues auprès de certains secteurs de la gauche, et son opposition souverainiste se divise sur l’attitude à adopter face à la nouvelle loi travail (le Front national est très lié aux milieux de la PME et de la petite boutique, fort enclins à saper le droit social).
  • Le clivage marxiste. Dani Rodrik ne l’aborde pas.  Or, les populistes tiennent absolument à se distinguer de la gauche radicale (voir ici l’exemple du leader de Podémos Inigo Errejon). Les marxistes, précisons le,  ne sont ni de gauche, ni populistes. Le groupe social qu’ils placent au coeur de leur combat n’est pas la « patrie » ou « les exclus », mais le prolétariat, dont ils construisent l’autonomie politique dans l’objectif de sa disparition, car ne l’oublions pas, les communistes cherchent à subvertir toutes les catégories traditionnelles, de « classe », comme celle de « race » ou de « genre ». Les prolétaires sont un peu la « part maudite » de la société capitaliste. De temps en temps,  elle se rappelle à son bon souvenir (1936, les « OS » en 1968, les grèves de sans-papiers et d’immigrés, catégories qui forment actuellement la moitié du prolétariat en Île de France). Or, pour des raisons objectives et subjectives, le prolétariat ne peut plus occuper dans les combats et l’imaginaire de la gauche radicale la place qui était la sienne jusqu’à la fin des années 60, et qui faisait, par exemple, que l’on menait le combat féministe sur un registre analogue à celui de la lutte des classes (« femmes=classe sexuelle », disait on dans les années 70). Non pas que les producteurs de valeurs aient disparu (il n’y en a jamais eu autant), mais la diversification du salariat et la tertiarisation du travail changent la nature de la conflictualité ainsi que son expression. Jadis, le salariat s’appuyait sur sa concentration numérique pour se confronter à la classe propriétaire. Aujourd’hui, les salariés sont dispersés et, dit-on, « impliqués » dans des tâches qui les amènent à s’auto-discipliner, parce qu’ils ont à rendre des comptes à d’autres salariés, au client, à l’usager ou à un donneur d’ordres. Le contrôle de la production de valeur  s’effectuant de manière moins directe que par le passé, il devient  difficile de faire vivre un sentiment de solidarité de classe, par delà les statuts, les entreprises, les qualifications. Toutefois, le délitement de l’Etat providence, qui avait permis de déprolétariser le salariat est une tendance sur laquelle la gauche radicale peut s’appuyer afin de faire entendre sa partition politique. A long terme, le mieux que puisse faire la gauche radicale est d’oeuvrer à  remettre à flot « la gauche » sur la base d’un nouveau compromis avec les classes supérieures les plus éclairées. En effet, les classes éduquées ne sont pas monolithiques (le mouvement socialiste a toujours recruté en leur sein et la « lutte des places » interne au tiers de la population titulaire d’un diplôme du supérieur est violente). De plus, il est facile de mettre en contradiction les élites éduquées en leur montrant en quoi le néolibéralisme est contradictoire avec certaines des causes auxquelles elles restent attachés (féminisme, anti racisme, écologie). A court terme, il est judicieux pour la gauche radicale  de coopérer avec les populistes progressistes, c’est-à-dire ceux qui sont peu sensibles aux accents chauvins, mercantilistes et autoritaires de l’idéologie national-souverainiste (« ordre à l’intérieur, arbitraire mercantile à l’extérieur »). C’est ce que font beaucoup de militants à l’intérieur de Podemos ou de la France Insoumise, deux formations qui, malgré leurs insuffisances, s’inscrivent dans un imaginaire progressiste et démocratique. Après tout, la mode irritante des nuées de drapeaux tricolores et des tribuns hologrammes n’aura qu’un temps et le moment de la véritable conflictualité politique reviendra bientôt.

DG

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les exportations mondiales restent très concentrées

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La démocratisation des échanges commerciaux est très imparfaite.

C’est ce qu’indique le rapport 2013 de l’OMC, qui note que les exportations mondiales restent le terrain de jeu privilégié d’une minorité de pays.

Le message du  graphique ci-dessus est clair: 90% des pays effectuent 30% des exportations mondiales de marchandises, ce qui revient à dire que 10% des pays concentrent 70%  des mêmes flux (courbe  bleue).

Qui plus est, on observe que la moitié des pays sont des acteurs marginaux du commerce international.

Dans un monde égalitaire, les pays se rangeraient sagement le long de la diagonale, de sorte que 10% des pays effectueraient 10% des échanges, puis 20% effectueraient 20% etc…

Nous en sommes loin  puisque la courbe est beaucoup plus proche du coin droit, en bas du quadrant,  que de la diagonale.

Statistiquement, le coefficient de Gini de concentration des exportations est égal 0,82…contre 0,83 en 1980.

Toutefois, le tableau change partiellement si l’on raisonne en termes de population mondiale et non plus de nations (cf courbes situées au dessus de la diagonale):

  • En 1980, 60% de la population mondiale effectuaient 99% des exportations. Les 40% restant étaient exclus.
  • En 2011, 60% de la population mondiale concentraient 80% des exportations,  20% des échanges étant effectués par les 40% restant.

S’il apparaît que la mondialisation ne coïncide pas avec une déconcentration des échanges, au sens où il existe toujours un peloton de pays surreprésentés dans la répartition des flux commerciaux, le fait que de grands pays  comme la Chine ou l’Inde exportent beaucoup plus donne de la respiration au commerce international, qui, bien qu’inégalitaire, a retrouvé sa vocation universelle.

Panorama du taux d’ouverture européen depuis 1850

openesswestern

 En 2000, la somme des exportations et des importations représentait 53% du PIB des économies européennes (Carreras et Tafunell, Barcelone 2008). C’est trois fois plus qu’au début de la révolution industrielle.

Le graphique permet de distinguer trois périodes:

  • 1850-1913: 1ere vague de mondialisation, au cours de laquelle le taux d’ouverture européen passe de 16,9% à 40,9% du PIB. C’est l’ère de l’étalon-or, des bateaux à vapeur, du rail et des traités de libre-échange. De 1880 à 1895, ralentissement économique, embardées impérialistes et  retour (modéré) du protectionnisme infléchissent  l’évolution du taux d’ouverture, avant le grand redémarrage de la « belle époque ».
  • 1914/1925-1945: c’est la démondialisation de l’entre deux guerres, avec un taux d’ouverture qui retourne à son niveau de 1850 sous l’effet des conflits militaires, de la crise économique et du protectionnisme tout azimut.
  • 1945-2000: 2ième vague de mondialisation. Trente ans suffisent pour ramener le taux d’ouverture au niveau de 1913, puis les années disco et la période 1995-2000 le font grimper à 53%. Deux sous-périodes attirent l’attention: 1950-1965 et 1995-2000. Dans la première,  la croissance du PIB, dynamisée par les investissements massifs, déborde celle des échanges, qui connaissent une profonde mutation avec les processus parallèles de décolonisation et de construction européenne. Dans la seconde, il se produit un phénomène inédit:  alors que les décrochages de 1880 et 1913 avaient marqué une rupture dans l’évolution du taux d’ouverture, les phases de rattrapage qui les avaient suivis (1895-1913 et 1945-1970) n’ayant pas permis de renouer avec le trend initial, le déclin du taux d’ouverture entre 1983 et 1993 fait l’objet d’un rattrapage à très vive allure. Et les auteurs de rappeler que la popularisation du terme « mondialisation » en Europe est contemporaine, à partir du milieu des années quatre-vingt-dix, de la création de l’OMC, mais aussi du redressement de l’économie européenne  post réunification allemande, de l’entrée de la Finlande, de la Suède et de l’Autriche dans l’UE, ainsi que du renouveau des échanges avec l’Europe de l’Est.

140 ans de mondialisation

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Pour retracer l’histoire de la mondialisation commerciale depuis 1870, Subramanian et Kessler (2013) proposent le graphique ci-dessus.

La logique est simple:  chaque point sur une courbe représente  un taux d’ouverture qui nous indique le poids des exportations de marchandises et/ou de services dans le PIB mondial.

Ex: en 2009, les exportations de biens et services représentaient 30% du PIB mondial.

On va s’intéresser au commerce  de marchandises, non seulement parce qu’il court sur toute la période, mais aussi parce que les auteurs vont au delà des chiffres bruts et estiment les flux d’exportations  nets (value added, dans le graphique). En effet, il est souhaitable d’exprimer la valeur des exportations de marchandises dans la même langue que le PIB mondial, c’est-à-dire en termes de valeur ajoutée, ce qui implique de retirer de la valeur brute des exportations  les consommations intermédiaires utilisées dans le processus de fabrication.

Commençons par les exportations brutes de marchandises.

3 pics de mondialisation apparaissent:

  • 1913: les échanges mondiaux de marchandises représentent 16% du PIB mondial.  Suite à la crise des années trente et aux deux conflits mondiaux, le taux d’ouverture retrouve ce niveau en 1974 (reglobalization).
  • 1980: 18% du PIB mondial.
  • 2008: 27% du PIB mondial. En 2010,  les échanges de marchandises pèsent 3 fois  qu’en 1870.

Passons aux exportations nettes de marchandises (en valeur ajoutée)

  • En termes de valeur ajoutée, les échanges de marchandises ne pèsent pas beaucoup en plus 2010  qu’en 1980 et 1913.
  • Plus l’histoire avance, plus le taux d’ouverture commercial exprimé en valeur ajoutée tend à s’écarter du taux d’ouverture exprimée en exportations brutes. En 2008, l’écart est de plus de 10 points. Ceci résulte de la fragmentation internationale des opérations de production, qui conduit à multiplier les flux de composants, enregistrés autant de fois qu’ils franchissent une frontière.

Echanges de services

  • Par eux mêmes, les services circulent beaucoup moins que les marchandises, puisque les exportations tertiaires ne représentent que 6% du PIB mondial en 2010. Leur mondialisation reste tributaire de celle des marchandises qui incorporent nombre de compétences tertiaires.
  • En revanche, parce que les services incorporent relativement peu de consommation intermédiaires, ils contribuent à  amplifier la dynamique des flux commerciaux exprimés en valeur ajoutée.

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L’article, d’une grande richesse, permet de zoomer sur les degré d’ouverture sectoriels (cf ci-dessus).

  • En 2010, 47% de la valeur ajoutée industrielle et agricole mondiale font l’objet d’une exportation, contre 33% en 1975.
  • L’internationalisation des services a progressé, mais reste modeste: 16% de la valeur ajoutée de ce secteur circulent à travers le monde, contre 9% en 1975.

Un regret: l’utilisation du terme « hyperglobalisation » pour désigner la période actuelle.

A trop sacrifier trop à la mode journalistique on ne prend pas en compte les limites de la mondialisation, relativement à celle du XIXième siècle, en particulier la moindre importance des  flux migratoires.

De la terre australienne contre du travail anglais

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De la terre australienne contre du travail anglais, telle était la façon dont le théoricien Bertil Ohlin synthétisait la logique de la mondialisation entre 1840 et 1914.

Ce propos est rappelé par Roger Guesnerie dans un cours du Collège de France (trois vidéos ici, et encore ) où il décrit les étapes de la  mondialisation et les interprète à la lumière des théories de l’échange international.

Echanges commerciaux: une croissance extensive ou intensive?

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Depuis trente ans, le taux d’ouverture commerciale de la planète a augmenté de 40%. D’après les stats de la Banque Mondiale: en 2010,  les exportations (ou les importations) globales représentaient 29,45% du PIB mondial (soit 58,9/2), contre 21,2% en 1980.

Dans le détail, on observe que la décennie 2000-2010 a vu les économies développées, ainsi que les pays à revenu moyen inférieur,  consacrer plus de 50% de leur PIB aux exportations et aux importations.  Même les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) sont de la partie. Bien que vastes, et de ce fait naturellement  peu ouverts, ces pays ont connu un doublement de leur taux d’ouverture entre 1980 (24,2% ) et 2010 (47,9%).

Dès lors, il est tentant de croire que les frontières se dissolvent et que les économies fusionnent dans un grand tout.

Or ce n’est pas (encore) le cas, puisque l’essor du commerce mondial résulte plus de l’élévation du PIB, en valeur absolue,  que de l’accroissement de la part qu’occupent les échanges dans le PIB.

Par exemple, si les économies à revenu élevé avaient conservé en 2010 le même taux d’ouverture  qu’en 1980 (soit 50%), l’augmentation de leur PIB (19 995-2 188= 17 807 milliards de dollars) aurait accru leurs échanges de 8 903 milliards, ce qui représente 68% de la progression observée des flux commerciaux impliquant ces pays. Moralité: l’enrichissement des pays à revenu élevé explique les 2/3 de l’augmentation de leurs échanges.

Au plan mondial, la variation du PIB explique 80% de l’augmentation des échanges commerciaux, de sorte que la mondialisation procède plus d’une extension des économies que d’une plus forte propension à exporter chaque dollar de PIB.

 

Relativisons la mondialisation

 On présente volontiers la mondialisation comme un terminus. Au quatrième top, ce sera la  fin des Etats, celle de l’Histoire et des Nations, celle des frontières et de la géographie. Et bien justement, les géographes ont des choses intéressantes à dire sur la mondialisation, ses limites, ses excès et son articulation complexe avec les territoires et les grands « pavages » à échelle continentale. La synthèse que propose Laurent Carroué est riche, claire et stimulante. Au cinquième top, précipitez-vous sur « Mondialisation et localisation des activités économiques: les nouveaux défis posés par l’entrée dans le XXIième siècle » (Territoires 2040, Datar).

Le trilemme de Madrid

« L’Espagne est sur la bonne voie » Angela Merkel (06/09/12)

A défaut de se joindre aux cortèges madrilènes, on peut tenter de les mettre en perspective. L’Etat espagnol est aux prises avec le trilemme de Rodrikthéorie d’après laquelle  l’approfondissement de l’intégration économique financière d’un ensemble d’Etats Nations exige, un jour ou l’autre,  de sacrifier  la souveraineté ou la démocratie. Dans le cas présent, l’Etat espagnol résiste  à la protestation populaire anti-austérité tout en renâclant à sa « mise sous tutelle » par l’UE, le FMI et la BCE.  Si l’on ne veut pas que les Etats deviennent des coquilles vides triple A, ou que les peuples s’enivrent de nationalisme morbide, on serait bien inspiré d’accélérer le chantier de l’Europe fédérale et démocratique. Sur ces questions, la lecture du texte « Mondialisation et démocratie » (Jean-Marc Siroën) est vivement conseillée.

Démocratisation, biens publics et redistribution: le cas chinois

Depuis le milieu des années quatre-vingts, les Chinois élisent leurs représentants de village.

Ces élections valent ce qu’elles valent, mais le principe d’un contrôle des représentants locaux par la population est acquis.

Une étude conduite par Monica Martinez-Bravo, Gerard Padro, Nancy Qian et Yang Yao, sur un échantillon de 217 villages dans 29 provinces, tend à démontrer que ces élections ont permis aux habitants de mieux faire entendre leurs préoccupations matérielles.

D’une part, l’offre de services collectifs a nettement progressé (écoles primaires, infrastructures sanitaires, irrigation…).

D’autre part, ces services ont été financés par des taxes locales.

Enfin, les élections ont provoqué une redistribution significative des revenus au profit des habitants les plus modestes, en particulier lors de l’attribution des terres.

Les auteurs se félicitent que l’amorce d’élections démocratiques ait accru la production de biens publics.

Contrairement à certaines craintes, l’implication populaire ne s’est pas traduite pas la dilapidation des fonds publics.

Ce résultat confirme l’intuition de Tocqueville qui, bien que critique vis-à-vis de la démocratie, lui reconnaissait tout de même la vertu d’améliorer  le sort du plus grand nombre.

La révolte des villageois de Wukan, qui ont imposé leurs candidats contre ceux du parti  communiste qu’ils accusaient d’accaparer les terres,  indique que ces élections créent des attentes qui ne peuvent être durablement ignorées.

Le centre de gravité de l’économie mondiale est en Sibérie

Depuis 2010, la position géographique moyenne de l’activité économique mondiale se situe en Asie.

Des économistes le prédisaient dès le milieu des années 2000. Le Mac Kinsey Global Institute en apporte la confirmation dans un rapport sur l’urbanisation du monde, dont The Economist s’est fait l’écho.

Le mouvement auquel nous assistons est encore plus rapide que celui des années 1940-1950, qui  vit le centre de gravité  franchir une  grande part de l’Océan Atlantique en direction des Etats-Unis

Il avait fallu 950 années pour que le centre de gravité se transporte de Mésopotamie en Amérique du Nord. Le retour vers l’Asie a commencé très timidement à partir des années 1960, avec l’essor du Japon, mais ce sont les  années 2000-2010 qui ont été décisives.

Manège au bord du fleuve Ob (Sibérie)

D’après ces estimations, le point d’équilibre actuel  se situerait en aval du fleuve Ob (Sibérie) et devrait en remonter le cours jusqu’à Novossibirk (2025), en direction de  la Chine.

Une nouvelle fois,  le point d’intersection des forces économiques traverse la Russie et  ne  s’y fixe point.

En 2025, au terme d’une révolution presque parfaite, le centre de gravité se situera non loin de  la position qui était la sienne en 1820,  lorsque démarrait l’ère industrielle.

Un siècle de routes maritimes (1750-1850)

Dans cette vidéo, réalisée à partir de données collectées par des géographes qui étudient l’influence du climat, on observe la densification progressive  des échanges maritimes internationaux entre 1750-1850.

Les petits bateaux qui vont sur l’eau ne sont point indifférents aux variations climatiques. Il faut attendre  les années 1780 pour que l’hiver ne les dissuade plus de doubler le Cap Bonne Espérance.

Moins plaisant: le triste « commerce triangulaire », entre l’Europe, l’Afrique et l’Amérique, s’y donne à voir.

On se rend compte à quel point le commerce maritime est aussi  tributaire des conflits armés.

Avec de bons yeux, on devinera les effets du blocus napoléonien contre le Royaume-Uni entre 1806 et 1814 (les Anglais se tournent vers le Canada pour s’approvisionner en bois), ainsi que les conséquences de la guerre qui opposa les Etats-Unis à l’Angleterre, entre 1812  et 1815.

DG

Crise de 1929 et vote d’extrême droite

Défilé d’extrémistes nationalistes en Hongrie (2012)

En 1920, le continent européen abritait 24 démocraties. En 1939, il n’en subsistait plus que 11.

Dans quelle mesure la grande dépression des années trente explique-t-elle ce raz de marée extrémiste?

Alan de Bromhead, Barry Eichengreen et Kevin O’Rourke procèdent à l’analyse économétrique  des résultats de 171 élections dans 28 pays, entre 1919 et 1939.

Les auteurs privilégient les ressorts de l’extrémisme de droite en raison de son poids électoral (2/3 des suffrages « anti-système » après 1929, contre 38% avant 1929) et de la nature des régimes qui, le plus souvent, ont subverti les démocraties.

Après 1929, ils constatent que le score médian des partis nationalistes et autoritaires a été multiplié par deux (cf tableau ci-dessous).

La crise économique, surtout par sa durée, a joué un rôle significatif, mais elle est loin de tout expliquer.

D’après les auteurs, c’est le manque d’expérience démocratique, conjugué  à la récession et à l’appartenance aux club des perdants de la guerre 14-18, qui formèrent un cocktail explosif.

Pour résister au fascisme,  il fallait une tradition démocratique solide, à l’image de la France et de l’Angleterre.

Les auteurs ajoutent que les partis extrémistes ont bénéficié des modes de représentation électorale à la proportionnelle, surtout lorsque cela leur a permis  de figurer dans un parlement avant 1929.

Pour compléter ce papier, convoquons l’historien Guglielmo Ferrero, exilé italien, qui dès 1940 formulait une hypothèse intéressante sur les origines du totalitarisme:

Le régime totalitaire apparaît toujours au moment où un peuple sort de l’ère monarchique, quelque temps après que la monarchie est tombée où est devenue impuissante à gouverner un pays. La chute ou l’épuisement de la monarchie obligent le peuple à tenter de créer un gouvernement démocratique mais la tâche est toujours très difficile parce que les conditions nécessaires pour faire fonctionner un gouvernement sur les principes démocratiques appliqués avec bon sens et loyauté ne peuvent jamais être improvisées. D’où toutes sortes de crises et de difficultés, pendant lesquelles le régime totalitaire apparaît, à un certain moment, comme une transition entre la monarchie qui n’est plus possible et la démocratie qui ne l’est pas encore. G. Ferrero, « Les origines du totalitarisme », La Dépêche de Toulouse, 11 février 1940.

Comme quoi, en précipitant les évènements un certain 14 juillet et en faisant l’expérience autoritaire (malheureuse) du bonapartisme, nos anciens nous ont préservé, sans le savoir,  des tourmentes des années trente.

DG

Le bilan globalement inégalitaire de la colonisation

Dans un papier intitulé « Income inequality and colonization » (2007), Luis Angeles a découvert l’existence d’une corrélation positive entre la proportion de colons européens installés dans un pays et le degré moyen de concentration des revenus, entre 1947 et 1999.

D’après les estimations de l’auteur, l’effet de la colonisation de peuplement sur la concentration des revenus est considérable:

This value implies that a colony where European settlers constituted 25% of the population would have a Gini coefficient about 10 points higher than one where European settlements were negligible. This is a very large effect, remember that the differences between low inequality countries in Europe and high inequality ones in Latin America or Africa are in the 15–20 Gini points range. The dummy for the “New Europes” is always small and becomes statistically non-significant once several controls are added. This is also in accordance with the description of the colonial experience of these countries.

Les résultats ne semblent pas modifiés par la prise en compte des facteurs climatiques ou la dotation en ressources naturelles. En effet, on pourrait penser qu’un facteur extérieur, comme l’existence d’une richesse naturelle à exploiter, pourrait expliquer la simultanéité d’inégalités fortes et d’une solide présence européenne.

La corrélation mise à jour se comprend aisément: plus la minorité européenne est importante, plus elle concentre entre ses mains les terres ou les ressources minières, au détriment du reste de la population.

Une fois indépendante, l’ancienne colonie reste marquée par les clivages sociaux hérités du passé, notamment parce que les descendants des colons continuent d’occuper le haut de la hiérarchie économique, social et politique.

A ce propos, l’auteur note la singularité de l’Algérie, pays qui ne conserva pas sa minorité européenne à l’issue de la période coloniale.

Du coup, une question ne manque pas de venir à l’esprit: est-ce en raison du départ des français que l’Algérie (DZA, dans le graphique ci-dessus) se distingue par une distribution des revenus relativement peu inégalitaire?

L’auteur, qui ne veut pas être enrôlé parmi les « tiers mondistes », précise que les habitants les plus pauvres des pays à forte présence européenne ne sont pas forcément moins bien lotis que ceux des pays exempts de toute présence coloniale.

Pour émailler d’humour ce sujet tant  controversé, j’ai cru bon de convoquer l’ami Fellag, en ouverture de ce billet.

DG

Le monde est-il plus inégal qu’en 1820?

Un intéressant papier de Branko Milanovic (« A short history of global inequality:The past two centuries« , Exploration in Economic History, décembre 2011) permet de nuancer la progression séculaire des inégalités mondiales.

Il est vrai que l’indicateur mondial de concentration des revenus a atteint une valeur considérable (0,65, sur une échelle de 0 à 1).

Pourtant, dans une certaine mesure, la situation est moins grave qu’en 1820.

  • Il y a deux siècles, les pays se distinguaient peu, mais à l’intérieur de chacun d’entre-eux les écarts sociaux étaient très prononcés. En 2002, 80% des inégalités de revenus à l’échelle internationale procèdent des écarts de PIB moyens entre  pays. A l’inverse, en 1820, 70% des inégalités s’expliquaient par les barrières de classes sociales internes aux différents pays. Les nations prolétaires ont remplacé les prolétaires.

  • En 1820, les inégalités approchaient la « frontière de possibilité d’inégalité », c’est-à-dire le seuil fatidique au delà duquel plus de concentration des revenus aurait plongé la masse du peuple dans l’indigence (graphique ci-dessous). Depuis lors, les inégalités ont progressé mais restent très en dessous de leur seuil maximum.

Entre 1820 et  200, le revenu moyen a été décuplé. Dès lors, pour ramener le commun au minimum vital, il faudrait concentrer les richesses entre les mains de quelques uns d’une manière inouïe.

Le monde est assez riche pour que la voracité de certains ne menace plus la survie des autres, mais ce n’est pas une raison pour ne plus veiller au grain.

DG

La première mondialisation (1870-1914)

Une note du Trésor décrit la « belle époque » des échanges commerciaux et financiers qui précéda la première guerre mondiale.

Excellent pour mettre en perspective les évolutions récentes.

Le graphique ci-dessous montre que l’actuelle poussée des échanges internationaux constitue un simple rattrapage des années de « fermeture », entre 1914 et 1950.

Finalement, avec la seconde mondialisation, c’est un peu comme si le grand XIXième siècle libéral avait continué son bonhomme de chemin.

Si l’on examine le poids du commerce dans la production de bien échangeable, on observe qu’au cours de la période 1890-1970 l’économie française est restée un peu en retrait de la mondialisation.

Parmi l’échantillon proposé, la France se plaçait en 1890 en cinquième position, avant de descendre  au sixième rang, et d’y demeurer jusqu’en 1970.

Lorsque le Général de Gaulle tira sa révérence, l’économie française n’était pas plus ouverte qu’en 1913 et qu’un pays aussi immense que l’Australie.

Depuis lors, le poids des échanges internationaux a doublé.

En 1990, ils dépassaient 50% de la production. Ce bol d’air a hissé notre pays au 4ième rang en termes d’extraversion.

Nous partageons cette trajectoire avec l’Italie et l’Allemagne.

DG

Franco, pionnier du néolibéralisme

 

A l’heure où l’Espagne se débarrasse des dernières statues du Caudillo, trois économistes se penchent sur le bilan économique du régime franquiste.

A partir des années soixante, le dictateur aurait eu la bonne idée de suivre les conseils du FMI et d’éliminer les  « distorsions macro-économiques » qui faisaient obstacle au progrès économique.

Le « boom » des années soixante fut précédé par la libéralisation des échanges,  le choix d’un taux de change plus réaliste, l’orthodoxie budgétaire et monétaire,  le toilettage des procédures administatives et le début d’une ouverture aux investissements directs étrangers.

A tout cela,s’ajoute un plan de stabilisation macro-économique drastique en 1959.

Les auteurs s’émerveillent qu’un tel programme ait fonctionné dans un contexte dictatorial: « Our results confirm that successful stabilisation programs are possible under authoritarian political regimes« .

A l’évidence, l’Espagne se portait mieux en 1975 qu’en 1939.

PIB par habitant relatif de l’Espagne entre 1939 et 1975 (1=Europe de l’Ouest)

Au cours de cette période, le pays divise par deux son retard économique vis-à-vis de l’Europe de l’Ouest (cf graphique ci-dessus).

Pour nos économistes, Franco n’aurait pas laissé un tel bilan s’il n’avait suivi à la lettre les conseils du FMI.

D’après leurs calculs, le boom économique doit tout à l’abandon du dirigisme et du protectionnisme des débuts de l’ère franquiste, ainsi qu’ au plan de stabilisation monétaire de 1959.

Sans cela,  l’Espagne aurait connu un choc brutal en 1960.

Le « boom » des sixties aurait  tout juste  permis de rétablir le PIB moyen  relatif à son niveau de1945 (courbe rose).

L’ouverture commerciale et financière aurait permis un net rebond (courbe verte), renforcé par les bonnes pratiques de l’orthodoxie macro-économique (écart entre la courbe verte et la courbe supérieure).

Il est dommage que l’étude trace une frontière aussi étanche entre économie et politique, comme si les remèdes libéraux constituaient la politique optimale.

Le coût de la non démocratie n’est pas abordé.

On nous suggère que le contexte géopolitique (le petit dictateur de Madrid obtint le soutien des Etats-Unis) pallia les quelques défauts de gouvernance du régime.

Les auteurs notent que le maintien des contrôles de capitaux (Bretton Wood oblige) mit le pays à l’abri des mouvements spéculatifs erratiques. Franco n’aura pas connu le sort d’un Suharto en Indonésie.

Bref, on nous vend l’idée que Franco a eu un peu de chance, ce qui n’est pas faux.

Pourtant, il me semble que seule une dictature féroce peut à la fois enfoncer un pays dans le marasme pendant 14 ans (1946-1960) pour imposer, au dernier moment, un remède de cheval dont les auteurs ne décrivent pas le coût social.

Une démocratie n’aurait-elle pas fait mieux?

L’idée que véhicule ce papier, à savoir que l’économie est une affaire de techniciens,  a un je ne sais quoi de glaçant.

D G

Leandro Prados-de-la-Escosura, Joan R. Rosés, Isabel Sanz Villarroya, « Stabilization and growth under dictatorship: lesson’s from Franco’s Spain« , Vox, 22 mars 2010; (pour l’article dans sa version complète voir ici).